
Extraits de
Éditions Gallimard (2003)
La lumière du monde
Aimer quelqu’un, c’est le lire. C’est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le coeur de l’autre, et en lisant le délivrer. C’est déplier son coeur comme un parchemin et le lire à haute voix, comme si chacun était à lui-même un livre écrit dans une langue étrangère.
Il y a plus de texte écrit sur un visage que dans un volume de la Pléiade et, quand je regarde un visage, j’essaie de tout lire, même les notes en bas de page. Je pénètre dans les visages comme on s’enfonce dans un brouillard, jusqu’à ce que le paysage s’éclaire dans ses moindres détails…
Lire ainsi l’autre, c’est favoriser sa respiration, c’est-à-dire le faire exister.
Peut être que les fous sont des gens que personne n’a jamais lus, rendus furieux de contenir des phrases qu’aucun regard n’a jamais parcourues. Ils sont comme des livres fermés…
Mais la plupart du temps, la lecture, de l’autre reste très superficielle et on ne se parle pas vraiment. Peut être que chacun de nous est comme une maison avec beaucoup de fenêtre.
On peut appeler de l’extérieur et une fenêtre ou deux vont s’eclairer, mais pas toutes. Et parfois, exceptionnellement, on va frapper partout et ça va s’eclairer partout, mais ça, c’est extrêmement rare.
Quand la vérité éclaire partout, c’est l’amour.
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© Christian Bobin | christianbobin.fr
LA LUMIÈRE DU MONDE (2003)
Chères lectrices, chers lecteurs, Prenez avis que ce texte a été publié pour l’intérêt informatif qu’il représente en lien avec le thème abordé sur ce blogue. Bien que je sois vigilante quant à la crédibilité de sa source, votre discernement doit prévaloir en tout temps. Utilisez-le. Votre hôtesse, Andree Boulay.
