Amour de soi | Mieux-être

Christiane SINGER: Ces éclats d’éveil dont crépite la Vie.

Photo par Alia Wilhelm sur Unsplash

Extraits de
« N’oublie pas les chevaux écumants du passé »

Éditions Le Livre de Poche (2007)

Il n’y a que le meilleur qui soit défendable. Cette lèpre de notre époque, ce souci de tout rabaisser pour être soi-disant à la portée de chacun est une machination criminelle.

En dénonçant dans un interview du « Monde », peu avant sa mort, le scandale de l’Audimat, Jacques Derrida avait ce cri superbe:
« Renoncer à un pli, un paradoxe, une contradiction pour être compris de tous est une obscénité inacceptable! »

J’ai eu le bonheur de voir dans une école des quartiers dits chauds de Marseille une centaine de jeunes (trois classes regroupées) boire de tout leur être « Le Cantique des Cantiques » scandé et chanté par le musicien Jean David dans un silence de clairière. Pas une syllabe de ce texte sublime ne se perdait. Comment a-t-on pu croire qu’il fallait simplifier et réduire pour être entendu! Il n’y a que devant le médiocre, le banal, le fonctionnel, l’utilitaire à tous crins que bien des oreilles se font sourdes.

La meilleure issue pour sortir du marasme: repartir du plus haut.

Dans les « Mémoires » de Marc Chagall qui relatent sa misèreuse enfance à Vitebsk, un shtelt de Russie, une scène déchirante:

Le maître d’école entre un matin dans la classe avec un papier jaune qu’il déroule avec prudence et épingle au mur: « Les Mains Jointes » de Dürer.

Le saissement de l’enfant devant ce dessin fait fracture dans la grisaille coutumière; il y a désormais pour lui un avant et un après.

Ce dessin lui donne à voir le monde créé. Non que ce monde n’ait pas été là avant! Que de fois l’enfant aurait-il pu observer dans la réalité même qui l’entoure les mains jointes d’une vieille femme! Mais il ne suffit pas d’avoir des yeux pour voir. Il faut encore cette collision inattendue: un « autre » – du fond du temps et de l’espace – vous « donne » l’usage de vos yeux.

Ainsi naquit Marc Chagall.

Peut-être l’éducation n’est-elle pas autre chose que cette mise en scène de possibles rencontres, cet espace où se créent les conditions d’un surgissement. Pour l’un, ce sera un épisode de l’histoire, un volcan en éruption, les découvertes de Sumer ou de l’empire aztèque, pour l’autre la dernière strophe d’un poème ou le choc lumineux d’un principe mathématique.

« Le carré de l’hypoténuse d’un triangle droit est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. »

« Ce théorème, disait Lewis Caroll, est aussi beaux, aussi éblouissant aujourd’hui qu’à l’heure ou Pythagore le découvrait. Les siècles n’en ont pas altéré la limpidité. »

L’homme est le fils des obstacles, selon un proverbe chinois. Il est aussi et surtout le fils de ces collisions fortuites, de ses jonctions fulgurantes, de ces éclats d’éveil dont crépite la Vie, quand l’âme est aux aguets!

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© Christiane Singer | Wikipédia
N’OUBLIE PAS LES CHEVAUX ÉCUMANTS DU PASSÉ (2007)

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