
Extraits du « Magazine VIVRE »
Montréal, Canada (janvier 2014)
Le corps ami ou acquis?
La vie utilise notre corps pour se manifester, pour s’expérimenter.
La confusion est assez générale lorsqu’il s’agit de relier le corps humain à la spiritualité… Les derniers millénaires ont inculqué à l’Occident que « la chair » était le domaine de tous les égarements. Pourtant, nous dira Jean-Yves Leloup, ce n’est pas ce que les premiers chrétiens ont cherché à transmettre. En réalité, l’idée persistante selon laquelle il fallait opposer le corps à l’esprit datait de bien avant le christianisme. Elle a tout simplement continué de faire ses ravages par la suite.
C’est justement pour retourner aux origines de l’enseignement chrétien que Jean-Yves Leloup a pris la décision un jour de devenir prêtre dans la tradition orthodoxe.
Avec ses doctorats en philosophie, en psychologie et en théologie; avec ses connaissances des langues anciennes et son vif intérêt pour les religions du monde; et surtout, avec son expérience et ses épreuves personnelles, son enseignement s’avère d’une richesse incomparable. Avec lui, ceux qui entretiennent une petite bête noire envers le catholicisme trouvent un apaisement, car ce qui pouvait paraître incohérent ou injuste trouve enfin son sens et sa juste place.
C’est toujours une joie et un honneur de retrouver un érudit de la trempe de Jean-Yves Leloup. Encore une fois, en toute simplicité et en toute profondeur, cet auteur d’une cinquantaine d’ouvrages vendus à travers le monde nous a patiemment offert ses perles de sagesse. Et encore une fois, en retranscrivant ses propos, je me rends compte combien chacune de ses phrases est un enseignement en soi. Un entretien à lire bien lentement, comme une méditation, comme un voyage au fond de l’âme.
Le don de la vie
Le thème de votre dernière conférence au Québec était « Le corps comme don, grâce et épreuve. » Commençons par la première notion: le corps comme don. Cela me semble assez simple à accepter comparativement aux deux autres.
Est-ce une évidence, selon vous, que de considérer notre corps comme un don?
« C’est la Vie qui est un don. La vie nous est donnée. On la reçoit.
Quand on parle du Tao, on se réfère au mouvement de la vie, la vie qui se donne dans un corps. Le corps est la partie visible de la vie, dans le temps et l’espace que je vis; c’est l’invisible qui devient visible. Nous avons le choix de nous ouvrir ou de nous fermer au don de la vie; nous avons le choix de la recevoir comme un don ou comme une fatalité.
En fait, comme on ne peut pas voir la vie, c’est-à-dire la partie visible de la vie, le corps en est la matière: le corps de l’homme, de la femme, de l’animal, des plantes, de l’univers, de la Terre… La vie développe la conscience d’elle-même à travers l’être humain, à travers son corps. La vie utilise notre corps pour se manifester, pour s’expérimenter. Elle est parfois douloureuse, elle est parfois épreuve, elle est parfois grâce. Quand la vie est épreuve, il est important de ne pas s’identifier à l’épreuve, de ne pas en être l’objet, mais d’en devenir le disciple. L’épreuve est un lieu de passage, un lieu de transformation. Bien vécue, elle devient une grâce.
Quand on dit « Je crois », on pourrait aussi entendre « Je croîs »… Croire ce n’est pas seulement une question de croyances, mais de croissance. Nous sommes appelés à croître, à travers les épreuves, les expériences.
Il me semble que le christianisme nous a influencés dans le sens de la fatalité du corps. Des tas de gens ont voulu se tourner vers le ciel, avec une négation complète du corps.
D’où vient ce paradoxe?
Le christianisme a été influencé par la philosophie grecque. Même avant les Grecs, le zoroastrisme nous poussait au dualisme, c’est-à-dire que la matière était considérée comme une création du dieu du mal, tandis que la pensée, la lumière étaient les créations du bien. Il y avait un combat entre les deux. Depuis des millénaires, on passe sans cesse de l’idolâtrie au mépris de la matière. Or, ce qui est important c’est de retrouver le sens du respect. Le respect n’est ni l’idolâtrie, ni le mépris. On n’a pas à adorer un arbre ou une étoile mais on a à y reconnaître la présence du divin. Mépriser un brin d’herbe, c’est mépriser Dieu.
C’est dommage que le christianisme nous ait conduits là. Pourtant, le christianisme est la religion de l’incarnation. Il nous dit que Dieu est présent dans le corps de l’être humain; que le corps n’est pas le tombeau de l’âme, mais bien le temple de l’esprit, ce lieu où la vie peut s’exprimer. »
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© Jean-Yves LELOUP | jeanyvesleloup.eu
MAGAZINE VIVRE (2014)
Chères lectrices, chers lecteurs, Prenez avis que ce texte a été publié pour l’intérêt informatif qu’il représente en lien avec le thème abordé sur ce blogue. Bien que je sois vigilante quant à la crédibilité de sa source, votre discernement doit prévaloir en tout temps. Utilisez-le. Votre hôtesse, Andree Boulay.
